dimanche 16 mai 2010

Dona Crapota - la soupe aux araignées (extrait)

Aujourd’hui, un soleil de plomb a endormi le petit village de Craz-Venin. Tous les habitants se sont enfermés dans leur maison pour y trouver un peu de fraîcheur. Aucun bruit ne résonne. On n’entend que le souffle d’une légère brise brûlante qui agite doucement les feuilles dans les arbres. Les oiseaux assoiffés ont cessé de chanter et se sont réfugiés à l’ombre d’un buisson, d’une haie, d’un toit… Les grenouilles se sont assoupies dans l’eau tiède au milieu des herbes hautes, les crapauds sommeillent cachés sous les larges feuilles des fougères, les serpents se sont enroulés dans leur nid. Seuls quelques lézards traînent encore, étalés sur une pierre, immobiles comme des cadavres.

Dans sa petite cabane en bois, Dona Crapotta a terminé sa sieste. Suant, haletant et boitillant, elle fait une récolte d’araignées dans son grenier où elle les élève, les nourrit généreusement jusqu’à ce qu’elles soient grasses à point pour être mangées.

- Viens ici, este petite gredine ! No te sauve pas como ça ! Yo te mangerai, Ha ha ha ! Tu me fais courir … Ha que calor !

Dona Crapotta se démène pour attraper ses plus beaux spécimens d’araignées. Ils se cachent facilement sous les pots, les bassines, derrière les livres et les torchons qui jonchent le sol. Elle cramponne enfin l’énorme araignée entre ses doigts crochus quand soudain, un bruit dans le chemin la fait sursauter. Elle se relève et se hâte vers sa fenêtre. Elle plonge son regard à travers les lames de bois des volets et s’exclame :

- Madre Crapotta ! Está ce terrible cornichon de lutin! Donde va sous cette calor ?

Sous l’émotion, la vieille sorcière a desserré ses doigts qui maintenaient l’araignée prisonnière et la belle a vite fait d’aller se cacher derrière le vieux rideau poussiéreux. La vue de Rikiki déclenche toujours chez Dona Crapotta des sentiments de colère et de méchanceté. Elle le suit du regard, cachée derrière son volet, en grommelant entre ses dents pointues :

- Tu sais, toi, yo ne t’ai pas oublié ! Un día, yo te ferai aussi petit qu’una musaraigne.

Rikiki, lui aussi, a terminé sa sieste et il se rend à la pêche aux alevins, son filet sur l’épaule. Il traîne un seau à bout de bras, taillé dans une vieille boîte de conserve, dans un concert de CLING, CLANG, CLUNG métalliques qui résonnent à chaque fois que son seau heurte les cailloux du chemin. Il n’imagine pas que sa vieille ennemie de toujours l’observe derrière ses volets !

La vieille sorcière se bouche les oreilles en grognant :

- Tu nous casses les oreilles avec ton bazar ! Tu vas réveiller mes bébés, lutin de malheur !

Et elle court vers sa chambre à coucher où quatre petits chatons noirs se reposent dans une vieille caisse bordée de papier journal.

- Mes pauvres petits amours, le vieux lutin vous réveille. Ne vous inquiétez pas, bientôt, il sera si petit qu’il ne pourra même plus soulever son seau ! Yo vais le transformar en musaraigne. Y vous pourrez lui courir après, hi, hi, hi, hi !
Un gros chaton réveillé la regarde d’un oeil. Il lui répond par un miaulement grimaçant en montrant ses petites dents pointues et il s’étire toutes griffes dehors avant de refermer l’œil.
- Ha ! tu seras un buen chat de sorcière Griffon, tu me comprends bien.
La vieille sorcière retourne alors dans son grenier pour terminer sa récolte d’araignées. Elle les piège derrière les boîtes de conserves, dans les caisses remplies de vieux livres, sur les étagères. Son panier rempli, elle le ferme avec précaution en attendant l’heure de les ébouillanter pour faire une bonne soupe. 
"Tous droits protégés"

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